Nous avons rencontré Jonathan Politur, l’homme derrière l’émission de sport extrême Riding Zone, qui donne du grain à moudre aux amateurs de sensations fortes depuis plus de 10 ans. On a parlé de la folie de l’extrême dans les 80’s, de la représentation du sport à la télé en France, ou encore de l’aspect très évolutif de ces sports encore non définis.
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« Ce qui caractérise ces sports alternatifs, c’est la liberté dans la pratique. Cette recherche du plaisir, de la liberté. On a envie de kiffer, on a envie de ressentir des émotions, on a envie de glisser, on a envie de sentir la vitesse, et on n’a pas spécialement envie de le faire entre 18h et 19h dans une salle. »
Jonathan Politur
Fraîchement débarqué de sa Guyane natale, alors attaché de presse et consultant en communication à Paris, Jonathan Politur est repéré par la chaîne Extreme Sports Channel qui lui demande de produire des émissions pour le public Français. Il co-fonde alors la société de production WatchUs. L’objectif : « faire de l’alternatif. » Il s’occupe des sports extrêmes, Fred Musa (Planète Rap) de la musique et Sarah Lelouch du cinéma. Après trois ans de collaboration, la joyeuse troupe se sépare, Jonathan crée alors dans la foulée Puzzle Média et l’émission Riding Zone.
La narration dans ces sports n’avait jamais changé. C’était du “action porn” pour faire simple, c’est-à-dire de l’action en musique. J’ai voulu dépasser ça et donner une dimension supplémentaire en racontant les histoires qui existent autour.
J’ai voulu me spécialiser autour de trois lignes fortes : action, aventure et découverte. Avec ce positionnement sur des histoires qui se passent plutôt en extérieur, des histoires de défis, de challenge… Plus jeune, j’étais plus attiré par un Kelly Slater en surf ou un Mike Stewart en Bodyboard que par des chanteurs ou par des artistes.
Riding Zone a débuté sur France Ô, la chaîne des Outre-mer. Le programme collait bien avec ce qui se fait dans ces coins où les gens vivent avec l’océan. L’émission apportait aussi une réponse à une attente d’un public très jeune. En Outre-mer, à peu près 50% des gens ont moins de 25 ans. En France c’est l’inverse, 50% des gens ont plus de 50 ans.
Jonathan Politur est aussi l’homme qui a fait sauter Taïg Khris du premier étage de la Tour Eiffel dans ce qui reste aujourd’hui l’une des plus grosses rampes jamais construites. Une chute de 10 mètres dans une rampe qui fait près de 30 mètres de haut ! Du lourd.
Le saut qu’avait fait Danny Way au-dessus de la muraille de Chine m’a vraiment fasciné. Ça m’a clairement donné l’idée de faire la Tour Eiffel avec Taïg Khris. Quand j’ai vu ça, je me suis dit : “ c’est ça que je veux faire, les gars ont tout compris.” J’ai donc imaginé l’événement et on l’a produit ensemble.
C’était l’âge d’or des sports extrêmes. En skate on avait les premières superstar comme Tony Alva en skate ou Robby Naish en windsurf. Ça collait vraiment aux 80’s. C’était les années fric, avec les grosses bagnoles, la surconsommation , les pubs pour les clopes...
Dans les années 90 il y a eu la naissance des gros rendez-vous comme les X Games, M6 diffusait en prime les gros événements de Bercy, les sports extrêmes transpiraient. Même Nicolas Hulot dans Ushuaïa avait cette approche, il utilisait des engins de fou. Il y avait une culture sport extrême plus forte que maintenant.
Bien que certains codes des regrettées années 80 et 90 soient aujourd’hui caduques, la vibe d’insouciance et de recherche ultime de plaisir existe encore dans le cœur de tous les amateurs de sports alternatifs.
On a encore une approche relativement ringarde quand on parle de sport à la télé je trouve. Le sport à la télévision c’est quoi ? Essentiellement des directs autour de grands événements comme Roland Garros, le Tour de France, le foot et le rugby, quelques grandes courses cyclistes, et quelques grands rendez-vous d’athlétisme ou de natation.
Le seul objectif est de rassembler la plus forte audience possible, les industriels de la télé ne se concentrent donc que sur 2 ou 3% des sports. Il y a un énorme pan des sports qui sont oubliés, c’est un miracle que Riding Zone ait tenu aussi longtemps. Si j’ai réussi à vendre Riding Zone, c’est qu’on était dans cette écriture de sport qu’on peut voir aujourd’hui sur Netflix, à savoir de la narration.
Et si Netflix faisait avancer la télé en France ? Le succès de la série The Last Dance qui présente la carrière de Michael Jordan sous un angle narratif incitera peut-être les grandes chaînes à croire davantage en de tels projets dépassant la pure et simple compétition. Sans oublier les sports extrêmes bien sûr.
Nous, les sports extrêmes, on est un peu le Hip-Hop du sport. Il y en a qui nous connaissent, plein qui nous respectent, mais vis-à-vis de la variété française et des grands rendez-vous genre les Victoires de la musique, on reste mal considéré.
La dernière fois je suis passé devant un stade où des centaines d’enfants s’entraînaient, ils faisaient tous la même chose, de vrais petits robots. Ce qu’on fait c’est l’exact inverse. Ce qui nous caractérise, c’est la liberté dans la pratique. Cette recherche du plaisir, de la liberté, on a envie de kiffer, on a envie de ressentir des émotions, on a envie de glisser, on a envie de sentir la vitesse, et on n’a pas spécialement envie de le faire entre 18 et 19h dans une salle.
On ne doit pas marquer des buts ou casser des chronos, on doit tenter de jouer avec les éléments. Et comme la nature est incroyablement puissante par rapport à nous, elle nous offre de nouveaux challenges à longueur de journée. Les limites de la nature n’existent pas, c’est pour ça que nos limites sont sans cesse repoussées. Même si on devient le meilleur grimpeur de la planète, il y aura toujours une falaise encore plus folle à escalader. Si elle a été escaladée, on l’escaladera de nuit. Si c’est déjà fait, on l’escaladera sous la pluie… c’est ça qui est magnifique, et ça ne s’arrêtera jamais.
Ce sont des sports extrêmement évolutifs. Il suffit de regarder les trois dernières décennies, avec l’apparition de la slackline, du paddle, du wingsuit, du speed flying, l’émergence du foil, maintenant le wing foil, l’explosion de la trottinette… On est dans un dynamisme constant.
Le 100 mètres dans 100 ans ce sera toujours la même chose. Et le mec qui battra le record d’Usain Bolt il sera toujours autant respecté. Mais nous dans 100 ans, où sera-t-on ? Est-ce qu’on atterira encore avec des parachutes, est-ce que les skate auront encore des roues ?
Les sports extrêmes sont un peu le cousin artiste des sports traditionnels. On espère pour eux qu’ils n’auront plus à entendre le fameux : « Mais artiste c’est pas un travail. »
S’il vous faut encore une dose d’adrénaline, allez donc faire un tour sur la chaîne YouTube de Riding Zone, c’est par ici.