Connu pour être un des premiers tennismen français à remporter des grands chelems mais aussi, avec les trois autres mousquetaires, le premier français à remporter la Coupe Davis, René Lacoste n’en demeure pas moins un personnage qui s’est construit bien au delà du sport et qui restera une icône de la mode. Entre joueur, inventeur, et businessman, trajectoire d’un enfant du siècle qui n’a rien à envier à Léonard de Vinci.
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Philadelphie, 10 septembre 1927, habillé d’un large pantalon blanc et d’une chemise à manche longue, René Lacoste ne s’apprête pas à entrer en soirée disco mais sur le court pour disputer le troisième match de la finale de la Coupe Davis. L’été indien commence à peine et le Crocodile sait qu’il ne doit faire qu’une bouchée de son adversaire.
La France est pour la troisième année consécutive en finale de la compétition face aux Américains, sans en avoir encore gagné aucune. Deux défaites trop amères pour les quatre French Mousquetaires que sont Jean Borotra, Jacques Brugnon, Henri Cochet et René Lacoste. Deux défaites et bientôt une troisième qui semble pointer le bout de son nez, car ces bougres d’Amerloques mènent déjà deux matchs à un. Si Bill Tilden, le plus fort d’entre eux, bat Lacoste, c’en sera fini pour la France.
Comme à chaque début de match, René prépare sa raquette en recouvrant son manche de sparadrap pour une meilleure prise et un meilleur amortissement des chocs. Toujours les mêmes gestes, toujours. Sans gorgée de Volvic, il remporte trois des quatre sets et laisse éclater sa joie. Il est venu à bout de son plus grand rival, « Big Bill », qui déclarera «J’ai eu l’impression de jouer contre une machine».
2-2 dans la confrontation : l’espoir renaît et William Johnston ne parvient pas à rebondir face à Henri Cochet. La France remporte son premier « saladier » ! Elle recevra donc la Coupe Davis l’année suivante, et ce pour la première fois. L’occasion de lancer de grands travaux pour créer à toute vitesse la construction d’un nouveau stade : Roland-Garros.
S’il a été trois fois vainqueur de Roland-Garros, deux fois de la Coupe Davis, de Wimbledon et de l’U.S Open, René Lacoste ne fut pas qu’un des premiers tennismen français à éblouir le monde. Il fut aussi le créateur de la marque éponyme portant son empreinte, son blason, l’animal qui correspond à son caractère et à sa ténacité : le crocodile. Une partie de cet homme discret reste par ailleurs peu connue, celle d’un inventeur hors pair au delà du tennis et de la mode.
« Son but était d’améliorer ce qu’il y avait autour de lui » raconte la petite-fille du champion, Beryl Lacoste-Hamilton, actuelle présidente de la fondation Lacoste. Pour René, tout a commencé à 14 ans, lorsqu’il fait ses premiers pas sur un court. « Une des premières choses qu’il ait faite était de tailler ses manches de raquettes avec un canif pour qu’il ait une meilleure prise en coup de droit. Puis comme en revers ça n’allait pas, il retaillait. À force, c’est comme ça qu’il a cassé sa première raquette. » Un premier essai qui traduit déjà une soif de déconstruire pour mieux créer. Remettre en question l’existant pour le transcender. Une caractéristique remarquée sur les courts des plus grands championnats, lorsque René arrivait avec son manche taillé, enrobé de sparadrap. « Il a tellement commandé de sparadrap que la société qui le fournissait était convaincue qu’il avait une clinique », s’amuse Beryl Lacoste-Hamilton.
À sa mort en 1996, le Crocodile a plus de quarante brevets à son actif. Du polo Lacoste qui améliora le quotidien des joueurs et joueuses de tennis en libérant leurs mouvements, jusqu’à l’invention d’un système présent dans le nez du Concorde, en passant par la raquette T2000 en métal (puis en fibre de carbone), les inventions de Lacoste ont couvert un large panel. « C’était un homme absorbé par ses recherches, principalement liées au sport, à la mécanique et à l’aviation. » Son premier brevet est commercialisé alors que René a seulement 20 ans, ce sera une boîte de Majong (sorte de domino chinois) pliable pensée pour être emmenée en voyage, comme il en existait déjà pour les échecs. « Il avait fait ça pour s’amuser et finalement il en a vendu pas mal, à sa surprise. »
Poussé par cette première réussite, plein de confiance, René Lacoste invente alors à 23 ans une machine pour lancer les balles de tennis. Il est désormais possible de s’entraîner seul, une petite révolution. Nous sommes en 1927, cette année-là René et ses amis mousquetaires offriront à la France leur première Coupe Davis. Pourtant ce que l’on retient de René Lacoste reste ce nom affublé de son animal totem apposé sur ce que l’on appellera plus tard le polo. « La chemise Lacoste c’était révolutionnaire à l’époque. Parce que les joueurs étaient sur les courts avec des chemises à manches longues en coton. Quand il est arrivé avec cette chemise, ce petit col et ces manches coupées, c’était révolutionnaire. Ce qui était aussi révolutionnaire à l’époque, c’était son emblème, le crocodile. Mettre un logo sur une chemise ça a été lui. »
Un logo dont l’histoire demeure célèbre. En 1923, René Lacoste repère une valise en peau d’alligator dans une vitrine alors qu’il est à Boston pour disputer la Coupe Davis. Son entraîneur promet alors de lui offrir le bagage s’il remporte la rencontre. Lacoste perdra, mais un journaliste présent ayant eu connaissance de cette histoire y fera allusion et comparera le jeu du Français à la ténacité du Crocodile, réputé pour ne pas lâcher sa proie. La première pierre de la légende était posée.
De la ténacité qu’il aura fallu pour mettre un terme à l’hégémonie tennistique Américaine en 1927 à la créativité dont il aura su faire preuve sur et en dehors des courts tout au long de sa vie, René Lacoste aura réussi à s’imposer comme un personnage mythique et mystique de la culture sport !
Ces jeunes gens modernes formaient l’équipe des “Quatre mousquetaires”. Menés par leur capitaine Pierre Gillou, ils réussissent l’exploit de battre les Américains chez eux en 1927, pour remporter la première coupe Davis française. Ils réitéreront l’exploit l’année suivante, cette fois-ci à la maison, dans le stade construit pour l’occasion : Roland-Garros. L’aventure ne s’arrête pas là puisque la France gardera le “saladier” jusqu’en 1933, mais l’équipe changea d’année en année notamment avec la retraite internationale de René Lacoste pour raison de santé en 1929, celui-ci étant atteint de la tuberculose. Ce n’est qu’en 1991 que la France parviendra à nouveau à remporter cette compétition, menée par le capitaine Yannick Noah et ses joueurs : Guy Forget, Henri Leconte, Fabrice Santoro et Arnaud Boetsch, toujours face aux Américains. Un sacre commenté en quelques mots par Le basque bondissant : « Je ne pensais pas devoir attendre aussi longtemps. »