Ce terrain du XXe arrondissement de Paris est le QG d’une équipe de foot un peu particulière, la team RDR Switch, championne d’Europe de street football. Un terrain où les générations s’affrontent et où les cracks de demain se forment à la maîtrise du ballon rond.
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Encastré au milieux des immeubles, tel un oasis de sport, ce terrain situé rue Olivier Métra est entouré de trois murs recouverts de tags. Les gradins qui l’entourent parviennent toutefois à conférer une ambiance chaleureuse au lieu. Derrières les cages métalliques bleues, un énorme graff’ qui annonce la couleur : RDR STADIUM.
Ce lieu brille non seulement par son authenticité, mais également grâce à l’équipe de foot qui y a élu domicile : la team RDR Switch, Championne d’Europe de Street Foot. Nous sommes passés dans les pentes du XXe arrondissement de Paris pour rencontrer les occupants les plus flamboyants de ce terrain aux allures d’arène de la street.
Avant d’être nommée RDR Switch, l’équipe s’appelait simplement RDR. Kemo a grandi ici, il est le dernier à avoir rejoint la team RDR Switch, il nous explique, « J’étais dans la team RDR à la base, RDR pour Rue Des Rigoles, c’est la rue juste derrière le terrain. Au début RDR c’était que des gars d’ici. Et puis la team s’est élargie à d’autres quartiers, c’est à ce moment qu’est née RDR Switch. » Quand RDR n’acceptait que des locaux, RDR Switch s’ouvre aux meilleurs joueurs des quartiers alentours. Notamment à ceux de Place Des Fêtes – PDF pour les intimes – pour former l’équipe de street foot la plus performante qui soit.
Si les RDR Switch sont dur à battre, les règles du street foot et de ce terrain ne sont, elles, pas compliquées : On joue à cinq contre cinq, parfois six contre six ; on respecte les lignes du terrain et on ne joue pas avec les murs ; le goal n’a pas le droit de dépasser la ligne centrale ; il n’y pas d’arbitre, ou du moins l’arbitrage est fait par les joueurs. À partir de là, tout est possible.
Tango League Madrid
Soumaïla, défenseur de la team, constate les bienfaits de cette équipe : « Contrairement à Kemo je ne suis pas du quartier à l’origine. J’ai rejoint RDR Switch il y a environ un an. La création de cette équipe a vraiment soudé plusieurs quartiers qui ne se mélangeaient pas avant, c’est bien. » Il reste toutefois difficile de connaître les raisons précises ayant poussé à la création de RDR Switch. « Ça regarde les joueurs », entendra-t-on. Semble-t-il que certains étaient plus compétitifs que d’autres, avaient de plus grands projets. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils ont bien fait.
En 2019, les joueurs de la team RDR Switch décrochent le prestigieux titre de Champion d’Europe de street foot en remportant la finale de le Tango League à Madrid – organisé par Adidas. S’ils ne boudent pas leur plaisir de détenir le titre de champions d’Europe, les joueurs ont gagné bien plus qu’une coupe. Soumaïla nous explique, « Grâce à ce titre on a pu aller voir la finale de Champion’s League cette année-là. On a aussi été à la Tango Amérique du Sud au Brésil en tant que guest. On a pu voir la finale de la Copa America aussi. On a rencontré plein de joueurs là-bas. Des équipes allemandes, du Brésil, des Anglais, des Américains, des Mexicains… On a aussi rencontré des joueurs comme Kaka, Xabi Alonso ou encore Blaise Matuidi. »
Au-delà du succès des RDR Switch, le terrain de la rue Olivier Métra est surtout un lieu de vie sans pareil pour les habitants du quartier. S’y croisent des jeunes du coin, des artistes – comme le rappeur Malkolm – mais aussi des parents, comme ce jour où nous sommes venus et avons pu voir un père venant jouer au basket avec son fils en tenue full NBA. Le véritable Dad Goal. Soumaïla résume bien l’ambiance de ce terrain, « Pour les gens qui habitent autour, ce terrain c’est leur jardin. »
Discussion avec Soumaïla
Comment est organisée la team RDR ?
On a un manager, c’est avant tout un ami, il sait gérer la com’. Sinon à la base on était sept dans l’équipe, et on en a ajouté trois pour que l’équipe soit plus compétitive. Pour installer une sorte de concurrence au sein de l’équipe. Ça a plutôt marché je crois (rires).
Vous jouez dans d’autres équipes ?
Oui, on est trois à faire du futsal dans la même équipe. Le reste joue au foot à onze. Kemo joue en CFA à Gobelins et Abou joue en DH à la Garenne-Colombes par exemple. Pap il joue pas mais il est au niveau.
Tu penses que le street foot peut se professionnaliser ?
C’est possible. Ce serait bien de créer le concept car le foot vient vraiment de la rue. Avant le succès de RDR Switch, personne ne venait s’inscrire aux tournois. Mais depuis que les gens ont vu qu’on est allé au Brésil et à Madrid, qu’on a vu la finale de Champion’s League grâce à ça, qu’Adidas nous invite à leurs évènements etc. Tout le monde s’inscrit maintenant (rires). Depuis que les gens voient qu’on peut voyager grâce au street foot, kiffer avec ses potes, tout le monde veut s’inscrire, monter une équipe, créer un Insta’, avoir une visibilité etc.
Quel est votre principal rival sur Paris ?
La team Caméléons, c’est la plus ancienne du street foot français, celle qui a le plus de trophées. Ils sont dans le 77, à Chelles, ils habitent un peu partout mais ils se rassemblent là-bas.
Comment vous vous entraînez ?
On ne s’entraîne pas. On joue directement, on fracasse et on part. Même si on ne joue pas pendant plusieurs mois on garde les mêmes automatismes. Pendant le confinement on a arrêté de jouer pendant trois mois et une équipe nous a provoqué, “venez chez nous, on a fait 10 victoires d’affilée, on va vous gifler” etc. Ils nous attaquaient sur les réseaux, au début on ne répondait pas. Et puis on a fini par répondre et y aller. Ça s’est très, très bien passé pour nous (rires). On les a éteints, ils n’arrivaient plus à jouer après le match, et on les a plus entendus.
Tu as un souvenir d’un match en particulier ?
Pendant la Switch Tour qu’on a organisée ici, on a rassemblé plus de 100 personnes qui sont venues, il y avait des drones, du bruit, des fumigènes … Une team est venue, une des meilleures présentes, mais on a été sans pitié avec eux. On leur à mis 15 – 4. C’était la team Clamart du 92, quartier de SDM, le rappeur, du groupe 92i.
Quel est l’importance de la team et de ce terrain pour le quartier ?
Avant on ne pouvait pas rassembler plusieurs quartiers ici. C’était que les gars du quartier qui venaient. Aujourd’hui, on peut. Grâce à la réussite de RDR Switch tout le monde s’est mélangé. Ça amène plus de différence. C’est là qu’on a vu que le foot est vraiment un sport qui rassemble, qui divertit. Et ça évite aussi les écarts de comportement de certaines personnes.
Quels sont les différences entre street foot et futsal ?
Le terrain et les tactiques surtout. Sur le street foot on n’est pas à un rythme très élevé, nous on est aussi dans une équipe de D1 en futsal national, et le rythme des matchs est très élevé. Un match de street foot, je vais pouvoir jouer tout le match. Alors qu’un match de futsal, même 20 minutes ça serait beaucoup.