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La pole dance s’affirme comme une discipline à part entière

Aujourd’hui encore associée au monde du strip-tease dans l’imaginaire collectif, la pole dance se réinvente chaque jour un peu plus et s’émancipe de ses origines. Cet art du mouvement et de la corporalité alliant danse et acrobaties aériennes décroche petit à petit ses lettres de noblesse.


La pratique de la pole dance a beaucoup évolué. Ça se remarque sur le regard des gens, on commence à oublier le cliché pole dance strip teaseuse. Les gens commencent à voir que c’est un vrai sport. Cela demande beaucoup de travail, d’assiduité, de répétitions, et c’est aussi très artistique.



AU DELA DU STRIP CLUB

Née au Canada dans les années 20, sous les chapiteaux de cirque, pour faire patienter le public entre deux représentations, la pole dance a traversé les décennies avec succès. Mais un siècle plus tard elle change de ton. Elle attire aujourd’hui l’attention des gens de la danse contemporaine et même les instances des Jeux Olympiques. Ces derniers suivent de près la discipline en vue d’une intégration potentielle à la prestigieuse organisation.

Profitant de son succès sur les réseaux sociaux et d’une conjoncture favorable à la faire sortir du cadre trop « club de strip » dont elle a souffert, la pole dance s’émancipe de son passé sulfureux. Ce que confirme la pole danceuse Cassandra Carpinelli« La pratique a beaucoup évolué, notamment en ce qui concerne la pole dance contemporaine. Ça se remarque sur le regard des gens, on commence à oublier le cliché pole dance strip teaseuse. Les gens commencent à voir que c’est un vrai sport. Cela demande beaucoup de travail, d’assiduité, de répétitions, et c’est aussi très artistique. » 

Marie Moulin, l’une des pole danseuses française les plus prometteuses abonde : « On tend à pratiquer de moins en moins la pole exotique, celle associé au strip-tease, en talons. Du moins, on la différencie d’une pratique sportive. C’est comme si on mélangeait la danse classique avec la zumba. Ça n’a rien à voir, ce n’est pas le même travail. » 

Les clichés ont toutefois la vie dure, notamment au cinéma. Le film Forte, sorti en 2020, met en scène une jeune femme enrobée qui commence la pole dance. Marie Moulin y voit plusieurs problèmes : « J’aimerais beaucoup avoir une discussion avec le réalisateur du film. Il n’a rien compris. Il y a des phrases choquantes. La jeune femme dit à un moment : “dans deux semaines tous les mecs voudront te violer”… Et puis les cours se passent dans une salle de strip-tease, un club… Ce n’est pas du tout notre réalité. » 



TROIS COURANTS

Il faut bien faire la différence entre les différents courants de la pole dance. D’un côté il y a la pole dite classique, ou exotique, qui se pratique dans des clubs. Elle est pratiquée par des danseuses souvent dénudées dans une approche tournée autour de l’idée d’un show. Il y a ensuite la pole sport, se rapprochant de la gym et qui est un sport en soi. Les pratiquantes s’y affrontent dans des compétitions calibrées. Chaque figure est codifiée et rapporte un certain nombre de points, laissant une place limitée à une démarche artistique.

La troisième catégorie, celle de la pole contemporaine, peut aisément être associée à une vision artistique. Il est question de chorégraphies remplies d’émotions, avec une recherche esthétique, se rapprochant de la danse contemporaine – comme son nom l’indique. La notion de fluidité chère à la danse classique y prend tout son sens, et se développe au-delà de ce qu’il est possible de faire au sol. Attirées par la promesse de nouvelles sensations, de nombreuses danseuses classique se laissent séduire par la pole contemporaine. 

Ce fut le cas de Marie Moulin, qui nous l’explique ainsi : « La pole dance allie ma passion pour la danse, tout en ayant plus de challenge et de liberté que la danse classique dont j’ai l’impression d’avoir fait le tour.Il y a un challenge constant car on apprend de nouvelles figures à chaque fois. C’est très agréable pour la confiance car on sent une progression très rapidement. D’ailleurs une professeur qui vient de nous rejoindre était chez Prejlocaj  (ndlr. chorégraphe français de renom). Les danseurs classiques sont très attirés par la pole parce que pour eux c’est vraiment plus facile de progresser vite. Le Pavillon Noir à Aix-en-Provence – où Preljocaj est installé – nous a parlé de l’idée de créer un ballet pour pole dance. Mais le problème de la pole c’est que, contrairement à la danse, au bout de cinq minutes d’affilé on commence à être épuisé. »




IMPRESSION DE VOLER

Si la pole est éreintante sur le plan de la physique, les sensations procurées sont elles extraordinaires, comme l’explique Cassandra Carpinelli, « C’est vraiment très agréable, on se sent voler dans les airs, on passe de figure en figure et c’est quelque chose qu’on ne peut pas faire dans la vie comme on est cloué au sol. » Vu de l’extérieur, il est tout aussi agréable de contempler la grâce à l’œuvre, et les danseuses semblant explorer l’espace par le mouvement.

Mémoire du corps

Cette approche du mouvement du corps, Cassandra Carpinelli l’évoque ainsi : « Il faut être patient et laisser à son corps le temps d’assimiler ce qu’on veut faire. Là je travaille sur une figure, ça fait deux jours que je suis dessus parce que mon corps ne comprends pas. Par contre, je vois petit à petit les éléments s’assembler et j’y arrive de plus en plus. On regarde la figure, on analyse la technique, après en la faisant et en comprenant le cheminement, le corps l’enregistre. Il y a vraiment une mémoire du corps, et une émotion qui s’en dégage. » Marie Moulin ajoute : « Je vois la danse comme un art et pas un sport, et en gym il y a très peu d’artistique. La pole dance allie les deux, ce qui est rare. Au niveau des figures on à cette liberté de s’exprimer par le mouvement qui est très forte. »

Si la pole dance est un sport à figure, il rentre toutefois dans la lignée des inclassables. Ces disciplines où la frontière entre sport et art se fait ténue et où elle varie selon les pratiques. Une catégorie dans laquelle on rangerait autant le patinage artistique, le skateboard, le plongeon, ou encore l’aviation de voltige.

La pratique de la pole connaît une ascension fulgurante. Les figures qui permettaient jadis d’atteindre la plus haute marche des podiums ont perdu de leur saveur en 2020. Grâce à la créativité de ses pratiquants et à leur nombre croissant, les figures évoluent. Elles deviennent plus complexes et plus impressionnantes. Les manières de les réaliser se multiplient elles aussi, conférant une réelle personnalité dans la façon d’exécuter.

La pole dance fait partie de ces sports où une figure technique dénuée de style est moins intéressante qu’une figure banale exécutée avec singularité. C’est une discipline encore relativement neuve et bénie pour ses pratiquants, puisque tout peut encore être inventé. 



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