Quand il s’agit de faire rigoler les copains, Francky n’est jamais loin. Aussi créatif dans ses dribbles que dans ses blagues, il s’est imposé comme un trublion au détriment de certains coéquipiers. Footballistiquement, il a tutoyé les sommets et imposé son style partout où il est passé… sauf en France où son image s’est écornée. Mais Knysna et Zahia n’ont rien enlevé à la légende qu’il a construite avec son humour, ses coups de rein et son mental d’acier.
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UN BLAGUEUR INVÉTÉRÉ
On a tous un pote comme Franck Ribéry et si ce n’est pas le cas, on en veut tous un. Ce gars qui redouble d’ingéniosité pour faire marrer ses potes avec autodérision et qui sait aussi répéter à l’envie les bonnes vieilles blagues à l’ancienne qui marchent à tous les coups. Un bon vivant, qui ne conçoit pas la vie de façon monotone et qui préfère y mettre son grain de sel lorsqu’elle prend cette tournure. En parlant de grain de sel, on touche du doigt une des premières spécialités de Francky : saler de façon aussi outrageuse que discrète les verres d’eau et assiettes de ses coéquipiers à l’heure du déjeuner. Une vanne intemporelle qui fonctionne à tous les coups et dont il ne s’est jamais lassé. Dans la même veine, il a tartiné du dentifrice sur des poignées de porte ou enfermé ses coéquipiers dans leur chambre avec du scotch.
Mais Francky n’est pas un trublion qu’en petit comité. Il n’hésite pas à afficher l’étendue de ses talents devant les caméras, qui semblent parfois lui procurer l’adrénaline nécessaire pour réaliser des vannes de haut vol. En 2007, peu après son arrivée au Bayern, sans doute motivé par ses coéquipiers alors hilares, il se chauffe et décide de lâcher un seau d’eau sur la tête de la légende Oliver Kahn, peu connu pour son humour. Il partit ensuite se cacher dans un coffre de voiture pour échapper à la vengeance de ce dernier.
Autre spécialité de Francky : le vol de véhicules. Pour son dernier match en Ligue 1, il vole le tracteur du jardinier du Vélodrome pour faire un tour de stade. En 2009, il récidive et prend frauduleusement les commandes du bus de l’équipe du Bayern pour faire le guignol sur le parking d’un hôtel. Une superbe action qui prend fin dans un mur, suite à une erreur d’appréciation inhabituelle pour notre petit génie.
Cette appétence naturelle pour les blagues se ressent aussi logiquement au micro. Il avait commencé à se distinguer lors du mondial 2006 : téléphone en main, mode selfie activé, il nous régalait aux côtés de ZZ et consorts avec un humour aussi spontané que rafraîchissant pour un joueur qui commençait à tutoyer les sommets du football.
UN HOMME RAILLÉ
Malgré son humour et son talent, Francky a dû faire face à de nombreuses railleries. Ne maniant pas aussi bien la langue française qu’un académicien, il est par ailleurs marqué au visage par une cicatrice liée à un accident de voiture dont il a été victime dans sa jeunesse. Quand on devient un des meilleurs footballeurs au monde et par extension un personnage public, on s’expose nécessairement à “l’humour” parfois limité de certaines personnes cachées derrière leurs claviers. Francky s’est donc fait troller à de multiples reprises sur son physique et son éloquence, en particulier par le public Français.
« J’espère que la routourne va vite tourner »
« C’est beau ce stade Vélodrome qui est toujours plein à domicile comme à l’extérieur »
« Je suis quelqu’un que j’aime beaucoup rigoler, que j’aime blaguer »
UN FOOTBALLEUR ADULÉ
Une situation qui se mit à évoluer lorsqu’il prit la direction de Munich. Dès sa première saison, il se met à marcher sur l’Allemagne et sur l’Europe, qu’il éclabousse de son talent footballistique. Il forme ensuite avec son coéquipier Arjen Robben un des duos les plus prolifiques et spectaculaires du football mondial.
En 12 années avec le Bayern, il remporte 9 Bundesliga, 6 Coupes d’Allemagne et participe au quintuplé de 2013 : Championnat, Coupe, Ligue des Champions, Supercoupe d’Europe et Coupe du monde des clubs. C’est d’ailleurs avec un sentiment d’injustice qu’il n’est pas élu Ballon d’Or en 2013, dépassé de quelques voix par Messi et Ronaldo.
Arrivé roi en Bavière, comme en atteste l’immense portrait affiché par Nike sur l’église des Théatins, Franck en repart empereur. “Scarface” devient “Kaiser Franck”, en référence à Franz Beckenbauer, qui déclare « Quand nous l’avons engagé, c’est comme si nous avions gagné au Loto ». Un surnom un peu plus à l’image du bonhomme, qui aura su démontrer son talent et sa force mentale bien au-delà de son humour et de ses faiblesses.
UNE IMAGE ÉCORNÉE
Toutefois, en France, son image s’est écornée. Avec Knysna d’abord, et sa mythique intervention en claquette-chaussette sur le plateau de TF1. Avec l’affaire Zahia plus encore, dont la France entière a entendu parler. Étiqueté “caïd”, le moindre de ses mouvements est désormais scruté, interprété négativement, susceptible d’attiser les passions et de susciter la haine. Il entretient une relation compliquée avec les journalistes, qui sont à l’affût de ses frasques pour l’enfoncer.
En témoigne récemment l’affaire de ladite entrecôte dorée, née d’un post Instagram présentant une photo de son dîner : une entrecôte recouverte d’or à 1,200 euros, dégustée chez le célèbre Salt Bae. Tollé sur les internets, Audrey Pulvar s’en mêle et invite notre Francky national à mieux dépenser son argent. Généreux donateur de plusieurs ONG, il choisit de lui répondre avec l’aplomb et la franchise dont il a le secret. Il reprend un article dans lequel elle déclarait faire ce qu’elle veut de son argent et qui révélait la valeur des lunettes en écailles de tortues qu’elle portait. «J’espère qu’elles vous permettent d’entrevoir un meilleur avenir professionnel que celui de la pseudo journaliste que vous êtes actuellement». Petit pont, frappe dans la lunette.
Il profita de cette incartade pour “remettre les points sur les I et les barres sur les T” avec un message d’amour adressé à tous les haters qu’il conclut merveilleusement : “Je ne vous dois rien, ma réussite est dûe à Dieu, moi et ma famille et mes amis qui ont cru en moi. Pour les autres vous n’étiez que des cailloux dans mes chaussettes. »
UNE LÉGENDE À CÉLÉBRER
En résumé, on a vu Francky se révéler et tutoyer les sommets en assumant sa part d’humanité, son humour sans faille, ses cicatrices et ses limites grammaticales. On l’a vu plonger dans le cœur des Français en même temps que les Allemands se sont mis à l’aduler. On l’a vu briller, faire la diff’ et susciter l’adhésion partout où il est passé hors de nos frontières. Il aurait sans doute été Ballon d’Or si le public Français l’avait reconnu à sa juste valeur.
Il était peut-être trop atypique pour que nous puissions l’accepter sans le railler. Il a sans doute fait trop d’erreurs pour pouvoir être pleinement respecté. Une chose est certaine, on ne lui a rien pardonné et son parcours reste un message d’espoir, le reflet d’une force mentale à toute épreuve et une ode à la vie joyeuse. Il est toujours resté lui-même avec son œil malin, son pied magique, son âme généreuse et son amour sans faille pour le football. Un grand homme, bordel !